Définition d’une obligation contractuelle
Comme son étymologie l’indique (ligare : lier), l’obligation est un lien entre plusieurs personnes. On distingue habituellement, l’obligation morale et l’obligation juridique.
L’obligation morale est celle qui relève de la conscience individuelle. Sa validité et son exécution ne sauraient être connues d’un juge. Il s’agit, par exemple, de l’obligation d’honorer l’invitation que l’on a acceptée d’aller chez un ami.
L’obligation juridique désigne le lien de droit qui unit un créancier à un débiteur. Dire que c’est un lien juridique signifie que l’Etat, en particulier le juge, contrôle la validité (donc l’existence) de l’obligation et rend possible son exécution forcée. Si le débiteur n’exécute pas son obligation, le créancier pourra demander au juge l’aide de la force publique.
Les obligations juridiques peuvent naître de plusieurs sources. Ainsi, l’obligation peut être directement imposée par la loi (on parle d’obligation légale). C’est, par exemple, le cas de la loi qui oblige tous les employeurs à garantir la sécurité de leurs salariés. L’obligation peut aussi découler d’un délit, c’est-à-dire d’un fait illicite qui a causé un dommage ; on parle alors d’obligation délictuelle. L’obligation peut encore découler d’un contrat ; on parle alors d’obligation contractuelle. L’obligation contractuelle est donc le lien de droit unissant les parties à un contrat.
Fondement juridique du droit de ne pas être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 dispose en son article 11 que « Nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle ».
La loi n°1/ 010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi intègre en droit burundais les instruments juridiques internationaux et régionaux dont le Pacte susmentionné.
En effet, l’article 19 de ladite Constitution dispose que « Les droits et devoirs proclamés et garantis, entre autres, par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant font partie intégrante de la Constitution de la République du Burundi.
Ces droits fondamentaux ne font l’objet d’aucune restriction ou dérogation, sauf dans certaines circonstances justifiables par l’intérêt général ou la protection d’un droit fondamental ».
L’autre texte juridique consacrant indirectement le droit de ne pas être emprisonné pour inexécution d’une obligation contractuelle est le Code Civil Livre III qui indique les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles.
Inexécution des obligations contractuelles
Inexécution fautive d’une obligation contractuelle
L’article 35 du CCLIII concerne l’obligation de donner et dispose que « L’obligation de donner emporte celle de livrer la chose et de la conserver jusqu’à la livraison, à peine de dommages-intérêts envers le créancier ».
L’article 40 du même code concernant l’obligation de faire ou de ne pas faire dispose que « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages- intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur ».
L’article 41 du CCLIII ajoute que « Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages-intérêts, s’il y a lieu ».
L’article 42 du CCLIII dispose que « Le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux dépens du débiteur ».
L’article 43 concernant l’obligation de ne pas faire précise que « Si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit les dommages-intérêts par le seul fait de la contravention ».
L’article 44 du CCLIII subordonne les dommages et intérêts à la mise en demeure du débiteur tout en prévoyant une exception à cette mise en demeure. En effet, cet article indique que « Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s’était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu’il a laissé passer ».
Il en résulte que lorsqu’il y a un délai d’exécution de l’obligation contractuelle, cette mise en demeure n’est pas nécessaire pour réclamer ces dommages et intérêts.
L’article 45 du même code indique que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages- intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
Il en résulte qu’en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle, ou du retard dans l’exécution de cette obligation, le débiteur ne peut échapper aux dommages et intérêts qu’en invoquant valablement une cause étrangère non imputable à lui et en l’absence de mauvaise fois de sa part.
Cependant, il est des cas où l’inexécution d’une obligation contractuelle peut donner lieu à l’emprisonnement. C’est le cas de l’escroquerie résultant de l’usage de fausse qualité de l’une des parties au contrat. Le mot qualité a ici la portée de titre, nationalité, diplôme, état civil, fonction, emploi, parenté, de représentant légal ou conventionnel. Tel est le cas de la personne qui propose son aide en se prétendant haut fonctionnaire, de la femme qui se fait passer pour l’épouse d’un employé en vue d’encaisser son salaire, de celui qui se fait passer pour membre de clergé en vue de collecter des fonds etc.
Par contre, l’affirmation d’un droit ne se confond pas avec l’usage abusif d’une qualité. Il n’y a pas usage de fausse qualité à se prétendre faussement créancier ou propriétaire. Ce mensonge doit être assorti de manœuvre frauduleuse pour être punissable. Se prévaloir d’une qualité perdue équivaut à l’usage de fausse qualité.
Il en est de même d’une partie au contrat qui aurait fait des promesses irréalisables dans le but d’obtenir quelque chose qu’elle n’aurait pas pu obtenir de la part de la partie cocontractante n’eût été les manœuvres frauduleuses dont elle aurait fait usage.
Les articles 294 à 296 de la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code Pénal punissent l’abus de confiance proprement dit, c’est-à-dire le détournement ou la dissipation d’objets remis en vertu d’une convention fiduciaire : par exemple, à titre de dépôt, de mandat etc.
Dans l’abus de confiance, la chose est remise volontairement par le préjudicié ou la victime sans que l’auteur ait recours à des moyens frauduleux ; l’infraction nait de la transformation par l’agent de la possession précaire qu’il a de la chose en vertu d’un contrat en une possession animo domini (c’est-à-dire qu’il se comporte comme le véritable propriétaire de la chose), en détournant ou en dissipant l’objet reçu à charge de le rendre ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé. Il en est ainsi de quelqu’un qui serait mandaté pour acheter un ordinateur pour le compte du mandant et qui aurait utilisé cet argent pour d’autres fins purement personnelles.
Il en résulte qu’il ne peut y avoir abus de confiance sans contrat préalable de confiance. Mais l’exécution de ce contrat devient impossible suite au comportement répréhensible de l’auteur. Ce qui peut donner lieu à l’emprisonnement.
Seulement, il faut éviter de qualifier à tout prix l’inexécution d’une obligation contractuelle d’escroquerie ou d’abus de confiance.
Inexécution non fautive d’une obligation contractuelle
L’article 46 du CCLIII dispose que « Il n’y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ».
Il résulte que toute inexécution d’une obligation contractuelle n’est pas sanctionnée. Il en est ainsi lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter son obligation par une cause étrangère indépendante de sa volonté et à laquelle il ne pouvait résister. Il peut ainsi s’agir soit d’une force majeure, soit d’un cas fortuit.
La force majeure est un événement imprévisible, irrésistible et extérieur.
Le cas fortuit est un événement imprévu ayant une cause interne (par exemple une maladie) et qui empêche le débiteur d’exécuter son obligation. C’est donc l’absence de l’élément d’extranéité (élément étranger) qui différencie le cas fortuit de la force majeure mais les deux exonèrent le débiteur de sa responsabilité.
En conclusion, le droit de ne pas être emprisonné pour la seule raison d’être dans l’impossibilité d’exécuter son obligation contractuelle est un droit garanti par la Constitution de la République du Burundi en vertu de son article 19 qui intègre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques consacrant à son tour ce droit en son article 11. Ce qui peut rendre impossible l’exécution d’une obligation contractuelle est soit la force majeure, soit le cas fortuit et cela est de nature à exonérer le débiteur. En dehors de ces deux situations, l’inexécution d’une obligation contractuelle devient fautive et donne lieu à des dommages et intérêts au titre de réparation du dommage causé par l’inexécution d’une obligation contractuelle. L’inexécution d’une obligation contractuelle ne donne lieu à l’emprisonnement que lorsqu’elle est la conséquence de l’infraction d’abus de confiance ou lorsqu’elle a, à sa base, l’infraction d’escroquerie.